Lire est la seule « science », la seule technique dont votre enfant aura constamment besoin tout au long de sa carrière scolaire. Quoi qu’il étudie, il faudra qu’il sache lire. La qualité et la rapidité de sa lecture seront un facteur déterminant dans toutes ses études.
La lecture avant l’école
Faire la lecture à un jeune, enfant nécessite toute une technique. Premièrement, tenez le sur vos genoux ou asseyez vous tout près de lui. Ainsi ce moment de lecture sera bien plus qu’un échange intellectuel, mais deviendra l’instant d’une communication chaleureuse et douce entre vous. Avant de lire, indiquez à votre enfant l’auteur, le titre, l’éditeur et l’année de publication. Si le livre est illustré et que le nom de l’artiste est indiqué, dites le lui aussi.
En agissant ainsi, vous encouragez chez lui l’idée qu’on doit s’intéresser à celui qui a écrit le livre, à ceux qui l’ont illustré, publié et à l’époque où tout cela s’est fait. Cette habitude lui sera très utile à l’école. quand ces détails prendront une importance littéraire et historique.
Arrangez vous pour que votre enfant puisse voir les images quand vous lisez. Montrez lui les détails marquants de ces images : « Vois tu la souris dans le coin ? Que fait elle à ton avis ? » Encouragez le à remarquer les détails des illustrations. Vous rendrez plus aiguë sa puissance d’observation, tout en rendant la lecture beaucoup plus active pour lui que s’il vous écoutait passivement.
Ne lisez pas d’une voix monotone. Faites du théâtre. Elevez et baissez la voix pour mettre en valeur votre texte.
Faites la lecture pour un seul enfant à la fois. Il est très difficile d’essayer de lire en même temps pour plusieurs enfants d’âges différents. Je ne le recommande pas.
Faut il lire souvent ? Autant que vous en aurez envie. Essayez toutefois de lire au moins une histoire entière ou un petit livre en entier chaque soir.
Il existe beaucoup de collections pour enfants qui commencent à lire, tels que les Petits Livres d’or ou les histoires de Babar. Je les appelle livres à double usage, car on peut, tout d’abord, les lire à l’enfant avant qu’il ne fréquente l’école. Ensuite, en dernière année de maternelle ou en cours préparatoire, quand il apprendra à lire, ce seront les premiers qu’il voudra lire seul. Ils l’aideront d’ailleurs beaucoup dans la mesure où il les aura entendu souvent raconter et connaîtra le texte par cour.
Ces livres seront comme de vieux amis bien plus faciles à aborder que des histoires nouvelles et inconnues.
En plus de choisir et d’acheter des livres, pensez à abonner l’enfant à un journal. Les enfants ne reçoivent presque pas de courrier à leur nom : une lettre ou un colis personnel est toujours une immense joie pour eux. Choisissez dans les publications pour la jeunesse un magazine adapté à leur âge. Votre enfant prendra ainsi l’habitude de lire des magazines, de même que des livres, et cela dès l’âge préscolaire
Apprendre à lire, un apprentissage essentiel pour l’enfant
Vous savez sans doute que cette question de la lecture entraîne beaucoup de controverses. Doit on attendre qu’un enfant ait six ans et qu’il soit à l’école primaire pour lui apprendre à lire, doit-on au contraire commencer plus tôt, voici un des points qui séparent les pédagogues. La mère doit-elle d’autre part apprendre à lire à l’enfant avant l’âge scolaire, ou doit on considérer que seul l’instituteur est compétent ? Les travaux du Dr Dolores Durkin nous éclairent sur ces deux points.
Les travaux du Dr Durkin
Le Dr Durkin étudia le cas d’enfants qui avaient appris à lire avant d’entrer à l’école. Elle cherchait à savoir comment ces enfants avaient pu apprendre à lire avant de bénéficier d’une véritable instruction. Elle étudia 5 103 élèves de cours préparatoire dans les écoles publiques d’Oakland en Californie. Parmi eux, quarante neuf enfants avaient déjà appris à lire à la maison avant l’école primaire.
Elle suivit les enfants tout au long des classes primaires, en testant la qualité de leur lecture à chaque classe. Ce groupe d’enfants ayant su lire avant les autres demeura en tête pendant toute la scolarité primaire. (Les résultats de ces tests scientifiques tendraient à réfuter les histoires de bonnes femmes prétendant que les enfants n’ont aucun intérêt à apprendre à lire très tôt puisque ceux qui apprennent plus tard les rattrapent de toute façon.) Les travaux de Dr Durkin prouvent que les enfants qui apprennent à lire plus tard ne rattrapent pas ceux qui ont su lire plus tôt, au moins au niveau de la classe de CM2 (les tests n’ayant pas été poursuivis ensuite).
Qu’en était il de ces lecteurs précoces ? Le Dr Durkin put constater qu’ils n’étaient pas nécessairement différents des autres enfants quant à leur intelligence ou leur personnalité. La différence ne se trouvait pas chez les enfants, mais chez les parents, et particulièrement chez les mères. Les mères avaient su leur apporter à la maison une meilleure stimulation ambiante. C’est pourquoi ils avaient appris à lire de bonne heure. Pour prendre un exemple précis, chacune de ces quarante neuf mères avait installé chez elle un tableau noir pour que son enfant puisse y dessiner et y écrire avant d’entrer à l’école.
Dans une seconde enquête menée à New York, le Dr Durkin sépara les enfants en deux groupes, l’un expérimental et l’autre, de contrôle. Le groupe expérimental se composait de trente enfants qui avaient appris à lire avant d’entrer à l’école primaire. Elle les compara à un groupe de contrôle de trente enfants qui ne savaient pas lire en entrant à l’école.
On fit en sorte que les deux groupes soient composés d’enfants de même intelligence, en s’appuyant sur les tests Stanford Binet. Ainsi se trouvait éliminée la possibilité que les enfants du groupe de lecteurs précoces aient su lire plus tôt parce qu’ils étaient plus doués.
Cette fois encore, elle compara la qualité de leurs exercices de lecture, et les enfants qui avaient su lire plus tôt se montrèrent nettement supérieurs. De plus, ils gardèrent cette avance pendant les trois premières années d’école primaire, durée prévue de l’expérience.
On avait donc affaire à deux groupes d’enfants de même intelligence. Et le Dr Durkin se posa la question : pourquoi un groupe d’enfants apprend il à lire avant l’école et pas l’autre ?
Cela tient il à la personnalité des enfants ? Non. Le docteur Durkin put obtenir des maîtres des renseignements précis sur la personnalité de ces enfants et dut constater qu’elle était sensiblement la même pour ceux des deux groupes. En fait, le Dr Durkin ne put trouver aucune différence réelle entre eux. Quelle était alors la différence entre les deux groupes ? Pourquoi l’un d’eux avait il su lire avant l’autre ? C’est là que le Dr Durkin put formuler cette conclusion décisive : la différence ne se trouvait nullement chez les enfants, la différence était chez les mères de ces enfants. Les mères des enfants qui avaient appris à lire tôt avaient su leur apporter à la maison une stimulation ambiante plus importante que pour les lecteurs plus tardifs.
Qu’avaient donc fait ces mères de plus que les autres ?
Elles avaient fait la lecture à leur enfant avant qu’il aille à l’école.
Elles avaient disposé dans leur maison des matériaux qui avaient stimulé son intérêt pour la lecture. Elles avaient mis à la disposition de l’enfant du papier, des crayons et des feutres, pour qu’il puisse griffonner, dessiner et écrire. Elles lui avaient fourni des livres, en les achetant et en les empruntant à la bibliothèque. Elles avaient toutes installé un tableau noir à la maison.
Elles avaient stimulé la curiosité de leur enfant à connaître le sens des mots, en allant au marché, en regardant ensemble la télévision ou à d’autres occasions de la vie de tous les jours.
Elles avaient expliqué à leur enfant le sens des mots et lui avaient appris à écrire.
Ces mères ne s’étaient pas seulement montrées différentes des autres par leur action, mais aussi par leur attitude et leurs principes.
Elles croyaient que les parents doivent enseigner aux enfants d’âge préscolaire des techniques telles que la lecture.
Elles refusaient de croire que seul un maître expérimenté doive apprendre à lire à un enfant.
En d’autres termes : les mères des enfants qui n’avaient pas appris à lire de bonne heure croyaient que seuls des maîtres ou des maîtresses d’école doivent enseigner la lecture. Les mères des lecteurs précoces croyaient souhaitable qu’une mère apprenne à lire à son enfant à la maison avant qu’il ne fréquente l’école.
Toutes les constatations que j’ai citées s’appuyaient sur des chiffres et des différences exprimées en pourcentage entre les deux groupes de mères. Ces différences furent jugées significatives sur le plan statistique.
Mais il y avait une autre constatation importante que les chiffres ne pouvaient traduire si facilement, mais qui apparut au Dr Durkin comme une différence fondamentale entre les deux groupes de mères. Les mères des enfants qui n’avaient pas appris à lire tôt se disaient uniformément « très occupées ». Ce mot surgissait à tout moment quand elles parlaient d’elles mêmes et de leur vie. Elles disaient qu’elles étaient trop occupées pour se consacrer à leur enfant en particulier. Les mères des lecteurs précoces n’employaient pas ces mots pour parler d’elles mêmes. Toutefois, quand le Dr Durkin compara ces deux groupes de mères, elle constata que les mères des enfants qui n’avaient pas appris à lire chez eux ne faisaient en fait rien de plus et n’assumaient pas plus de responsabilités que les mères des lecteurs précoces.
Ces dernières par contre semblaient s’amuser beaucoup des activités qu’elles avaient avec leurs enfants. L’une d’elle s’exprima ainsi : « Quel plaisir que cet enfant ! » Par exemple, la mère d’un enfant qui ne savait pas lire le considérait comme une gêne quand elle l’emmenait au supermarché où son action se limitait à acheter l’épicerie. L’enfant la gênait et l’empêchait de faire ses achats rationnellement et rapidement. La mère d’un jeune lecteur, chargée exactement des mêmes responsabilités acheter l’épicerie pour la famille faisait automatiquement de cette tâche une véritable aventure pour son enfant. Elle lui disait. « Voyons ce qu’il y a d’écrit sur les boîtes de « céréales » : sur celle là : Capitaine Crunch, et sur cette autre : Corn flakes. »
Les travaux de Dr Durkin ont montré que l’on peut apprendre à lire très tôt aux enfants chez soi. Elle a montré que les lecteurs précoces prennent la tête de leur classe et s’y maintiennent en ce qui concerne la lecture jusqu’au point où elle a cessé de les suivre (jusqu’en CM2). Elle a démontré que les lecteurs précoces ne sont pas des enfants particulièrement doués. Ni leur personnalité, ni leur intelligence, ni rien d’autre ne peut les distinguer de ceux qui lisent plus tardivement. Il se trouve seulement que les lecteurs précoces ont une maman différente des autres.
Les résultats de ces travaux font découvrir des perspectives passionnantes pour les mamans d’enfants d’âge préscolaire. Ils signifient que si vous voulez que votre enfant soit bon élève, vous le pouvez. Ils signifient que si vous lui assurez une ambiance stimulante à l’âge préscolaire, il est fort probable qu’il sera bon élève.
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